La pharmacienne aux doigts crochus

J'étais passé, pressé de partir en vadrouille,
Avec mon sac à dos rempli, comme il se doit,
Des habits, brosse à dents, nécessaire à tambouille,
Pas plus qu'il n'en fallait pour en mater le poids.
Il me manquait pourtant, dans ce lourd paquetage,
Un truc indispensable au marcheur délicat,
Soucieux de ne jamais gêner son entourage,
En ne contrôlant pas ses odeurs sous les bras.
Une dame arborant le badge "pharmacienne"
M'avait alors vendu, un stick déodorant
Capable de tenir dans sa main ou la mienne,
Et je le reconnais, vraiment peu encombrant.

Las, ce produit conçu comme un stylo à bille
Répandait en roulant, sur les poils et la peau,
Un liquide visqueux qui mit mon sac en vrille.
Car le machin fuyait ; c'était son gros défaut.

Quand je suis revenu, après mon escapade,
Dans cette pharmacie, présenter mes griefs,
Mes vêtements souillés, mon téléphone en rade ,
J'espérais il est vrai, de l'écoute en relief.
Mais notre pharmacienne au lieu de s'excuser,
Pour ces désagréments dont j'étais la victime,
A juste déclaré, avec l'air de douter,
N'avoir jamais vu ça, pour ce produit intime.

Passer pour un filou n'est jamais agréable
Je lui ai donc remis le flacon tout poisseux,
En espérant ainsi la rendre plus aimable,
En vain car je n'obtins qu'un regard dédaigneux.
Je pensais très naïf, qu'en cette circonstance,
La dame eut proposé d'échanger le produit
Ou de le rembourser, juste par convenance,
Tout commerçant l'eut fait pour me garder chez lui.

Après un long silence, elle a fini par dire :
J'en parlerai un jour à mon représentant.
Laissez-moi votre nom. Je pourrai vous écrire.
Mais je ne sais pas quand ; il ne vient pas souvent.
C'était voilà six mois, et je suis sans nouvelle
De cette pharmacie, rue du mamelon vert
- ça ne s'invente pas - et je doute fort qu'elle
M'écrive ou me rappelle. Ça me reste en travers.